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Patrick Martin sur France Info : « Il y a des gisements d'économie ailleurs que sur le dos des entreprises »

Invité de France Info le 15 avril, Patrick Martin a livré son analyse sur la situation budgétaire de la France et les 40 milliards d’économies prévues par le Premier ministre. Il s’est également exprimé sur le contexte politique, sur la réforme des retraites et sur les droits de douane envisagés par Donald Trump.

Sur la situation budgétaire de la France

« On est en situation d'urgence budgétaire. Pour bien imager les choses, à partir du 28 août, l'État n'a plus de quoi payer ses dépenses. C'est comme si un ménage à partir du 20 du mois n’avait pas de quoi payer son train de vie. On doit emprunter 270 milliards cette année. Et nos créanciers commencent à nous regarder d'un air soupçonneux. Donc le Premier ministre à raison de tirer le signal d'alarme. (…) Il y a un énorme problème de finances qui peut précipiter la France vers des horizons très dangereux ».

Sur les 40 milliards d’économies nécessaires

« 40 milliards d'euros c'est beaucoup, mais on a 1 700 milliards de dépenses publiques. Donc accabler encore plus les entreprises qui, je le rappelle, cette année supportent 13 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires, alors qu'on a des vrais problèmes de compétitivité et que nos entreprises sont les plus taxées au monde, malgré les aides, supposées aides, qu'elles reçoivent… J’ai clairement dit à Éric Lombard qu'il n’en était pas question. (…) Les entreprises font des efforts tous les jours. Le marché de l'emploi est en train de se retourner, le niveau d'investissement est en baisse et largement insuffisant, et on a 80 milliards de déficit commercial. Donc on ne peut pas vouloir tout et son contraire. On ne peut pas demander aux entreprises, qui le font déjà beaucoup, d'embaucher, d'augmenter les salaires, d'être compétitives, et d'un autre côté, les accabler encore. (…) Il y a des gisements d'économie ailleurs que sur le dos des entreprises, donc sur le dos des salariés et de la croissance. Si on veut pénaliser le pays, continuons à accabler les entreprises. »

Sur le contexte politique

« Le contexte politique, avec un panorama totalement fracturé, interdit des réflexions de fond sur notre modèle économique, sur notre modèle social, au même moment où d'autres pays au sein de l'Union Européenne avancent très résolument. Donc c'est possible. Mais cela suppose du courage, cela suppose que nos politiques, qui bien sûr visent les élections présidentielles, lèvent le nez du guidon et ne s'enferment pas dans une forme de fatalisme et de court-termisme. (…) La vraie solution, c'est de baisser la dépense publique et singulièrement la dépense sociale. En 1974, la dépense sociale représentait 18 % du produit intérieur brut. C'est dorénavant 32 %. Est-ce qu'en 1974, la France était un pays misérable ? Évidemment non. Donc il faut qu'on se reprenne en main et qu'on commence à baisser les dépenses. »

Sur la réforme des retraites

« Ma position est connue et elle est très raide, et je l'assume. Il faut qu'on équilibre nos régimes de retraite. Il ne faut pas se raconter d'histoire. À un moment donné, les régimes de retraite voleront en éclats si on ne les équilibre pas. (…) Le système le plus efficace pour équilibrer les retraites dans la durée, c'est le report de l'âge légal. Le conclave permet, pour autant que possible, de prendre acte d'un certain nombre de réalités parce qu'il faut objectiver les débats. Les rapports de la Cour des comptes sont sans ambiguïté, donc, moi, je reste assez confiant quant à la capacité des organisations qui sont toujours autour de la table à se réunir de manière responsable. Je rappelle qu'on a signé, il y a quelques jours, unanimement, dont la CGT, un accord sur les groupes de protection sociale qui distribue une partie des retraites complémentaires. Donc, qu'on s'accorde sur un constat et qu'ensuite on imagine des modalités pour assurer l'équilibre des retraites dans la durée, des retraites privées, pour reprendre en main la gestion, la gouvernance des retraites du privé, comme on le fait très bien sur les retraites complémentaires. Et enfin, mais là, j'avoue que c'est audacieux, qu'on s'accorde sur un transfert partiel du financement vers la fiscalité. Et là, on remet les choses en ordre, on apporte de la stabilité, de la sérénité aux retraités, mais également aux cotisants, les salariés qui se diront « je ne paye pas pour rien ». Si on revient en arrière sur l'âge légal, on accroît le déficit de 10 milliards à l'horizon 2030. »

Sur la TVA sociale

« La TVA c'est intéressant, c'est le seul impôt sur lequel la France est en termes de taux, en dessous des autres pays européens. Deuxième point, la TVA sociale, ce n'est pas pour augmenter un impôt, c'est pour transférer une partie du financement de la protection sociale vers la fiscalité. Ça a déjà été fait pour partie car on ne sait plus payer nos régimes sociaux par les seules entreprises et les seuls salariés. Ça limite les marges de progression des salaires, ça limite les possibilités d'emploi, ça pèse sur la compétitivité. À un moment donné, il faut remettre les choses en ordre. Et donc si on veut redonner du souffle, de la dynamique à notre économie, il faut s'intéresser à ce sujet. (…) Dans les pays où ça a été fait, je pense à l'Allemagne en particulier, ça n'a pas eu d'impact sur l'inflation. Actuellement, les entreprises payent 60 % de la protection sociale, pourquoi faudrait-il que les entreprises et leurs salariés supportent le coût du financement de la santé ? »

Sur les droits de douane envisagés par Donald Trump

« On ne sait pas ce qui se passera d'ici 90 jours et dans 90 jours. Donc, on a un petit peu évacué le stress, mais on ne l'a pas supprimé. Et cela vient s'ajouter à d'autres facteurs de stress : l'instabilité politique qu'on a évoquée, l'attitude de la Chine également, qui est à prendre en compte. Tout cela pèse sur un certain nombre de décisions. En fait, depuis la dissolution, il y a déjà beaucoup d'attentisme de la part des entreprises. Et ces mesures brutales et totalement inappropriées qu'a annoncées le président Trump viennent évidemment accentuer ce stress, donc retenir des décisions d'investissement et des décisions d'emploi. (…) Les mesures annoncées par Donald Trump vont pénaliser en particulier le marché américain. Donc cela retient un certain nombre de décisions d’investissement aux Etats-Unis qui étaient dans les tuyaux. Pour autant, l'histoire ne s'arrête pas. Monsieur Trump ne sera pas éternel. Et donc, il est normal que les entreprises françaises s'intéressent au marché chinois, mais doivent s'intéresser, par exemple, à l'Amérique latine. Il faut qu'on revienne sur les accords de libre-échange. On ne peut pas se faire pénaliser par les Américains d'un côté et les Chinois de l'autre et s'interdire de commercer. (…) Il faut qu'on aille beaucoup plus vite en Inde. Il faut qu'on aille beaucoup plus vite aux Philippines, en Indonésie, en Malaisie. Nous sommes très déterminés là-dessus. Arrêtons d'être dans le dogme, les postures et les procès d'intention. On a besoin de faire du business. »

>> Réécouter l’interview sur le site de France Info